Traduction de poèmes

(Traduction de poèmes) Je suis mon corps, poèmes d’Aleyda Quevedo traduits par Benjamin Laguierce

 

ALEYDA QUEVEDO ROJAS

Je suis mon corps

Traduction de Benjamin Laguierce

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JE SUIS MON CORPS
Titre original: Soy mi cuerpo
©Aleyda Quevedo Rojas, 2006
©De la traduction : 9h05, Inc. (Benjamin Laguierce), 2012

 


 

À Edwin Madrid

LIVRE 1

Un voyage

À l’insu de l’individu, la maladie trahit ce qu’il n’aurait jamais souhaité révéler.

Susan Sontag


 

Fin de mon destin

Mon utérus repose
sur le plateau de chirurgie

Il devient poussière
parmi les déchets hospitaliers

Je n’ai plus de raison pour maintenir

cet engagement avec le mystère

Je ne lis plus le destin

J’ai brûlé le tarot.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Apparition
Je m’abandonne à la vierge

Je prends ses mains froides de porcelaine et les porte doucement à moi

Jusqu’à m’en brûler la peau

Maintenant que je me retrouve prisonnière de leurs tentacules d’acier à récrire mon destin

Je m’abandonne nue
à ce manteau que je regarde depuis mon enfance.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Pour en revenir à moi

Mon corps si petit
traverse ses contours glacés
le dos courbé
recouvert d’un saut-de-lit blanc

Premier avertissement pour ma terrible vanité.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Tunnel

Je les entends encore
ces dragons affûtés
pénétrer dans mes entrailles

Du tissu brûlé
un arbre du désert ce que je suis

J’ai vu des ombres de sable et des heures abyssales retenues dans ma tête

Mais tout s’est dispersé
grâce aux baisers de mon bien-aimé.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Mon hymne

La tendresse de mes amis
se traduit par des lettres des baisers des baumes contre la maladie

Les œillets qu’ils m’ont laissés apaisent
les rugueuses matinées

Ces amis protecteurs
veulent annuler ma souffrance.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Ciel

Sur les hémisphères le poids de la douleur repose sur soi-même

Rien à voir avec la chirurgie
je vois que surgissent de nouvelles cicatrices et j’y ajoute des souffrances passées
pour atteindre
la condition de sainte évidée sur la Terre.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Petite mort

Chaque nuit
je rêve et me livre sans contrôle seule
avec mon cœur
je tombe et je renais
au jour nouveau

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Une certitude

Je glisse
au milieu des lits métalliques et les bouteilles d’oxygène

Je suis glacée
dans le fond marin de cet hospice

Alors ma famille accepte que mes cendres reviendront à la montagne
dont je suis issue
quand les pierres furent déplacées

par la foi de mes parents.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Mantras

Tous les malades disent avant de…

Fin des mensonges
Une seconde chance
coule dans l’eau de la vertu

C’est une bande sonore de battements de cœur de grincements de boyaux
de salive dense qui traverse ma gorge

Une toux rocailleuse avant de… huuuuuummmmm huuuuummmmmmmmm
hum.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Jusqu’à ce que la mort nous sépare

Mon mari de ses mains tièdes recouvre mon corps endolori
de racines et de feuilles de menthe

Endormie il me regarde respirer

Si je m’éloigne
parmi les violettes
il me suit
jusqu’à ce que la mort nous sépare

Il est un madrier en haute mer que j’enlace de tout mon amour.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Énergie

L’amour choisit
ceux qui ont été oubliés par la méchanceté.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Musique obscure

Tant de douleur supporte la somme du corps

Son périmètre glacé achève les désirs.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Turquoise

Je m’étends au soleil
et de mes jambes
et de mon dos
s’évaporent des battements de feu et d’escargots

Revenue que je suis
il n’est aucun lieu qui me soit plus familier que la mer et son écume qui s’échoue sur mon brillant abdomen.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Fado

Ton cœur de cesse de battre au creux des cendres

Une poussière qui m’ébranle dresse son autel chez moi

Du sang et des émotions qui fluctuent librement
et radoucissent mes nerfs.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Insoutenable

Que serais-tu
dans les mains de Dieu

Que serions-nous
œuvre de son dessein
en ce monde
de royaumes étranges
Du sable aux prises avec les vents tout juste une traître poussière.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Jours

Comme si jamais
tu n’étais parti
je retrouve/garde ton silence

Le vent qui passe déplace l’épaisseur de mes cils.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Alchimie

Je mélangerai les cristaux l’argent de l’air

Ces cendres
Ainsi nous serons encore frères
Des oiseaux différents dans le ciel limpide.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Climat
Mes pieds congelés

Sur le marbre blanc
qui terrasse ma demeure

Aspect glacial de mon présent Impitoyable continuation.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Prière
Nous sèmerons à nouveau des cerisiers

Ressuscite
les colibris porte-traîne chantent encore ta chanson en son zénith.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

De l’air

Dans la quiétude
je ressens ta présence comme un bourgeon éclos au creux de mes yeux

De grands géraniums blessés versent de sanglantes larmes.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Noir

De reluisants couteaux me regardent

Des démons dansent sur ma langue

Je suis légion
mais ton ange me protège.


 

Arcanes majeurs

Je lave mes peines
sans atteindre le vide suprême

L’eau du ciel
baigne les animaux de la terre

Mais je ne te trouve pas dans cette rivière infinie d’amours flottants.


 

Perforation

Il y a un brin de feu derrière mes yeux fermés

Tu y vis brûlant
même si tu fais semblant
et même si tu restes devant et derrière mes paupières.


 

Les fils

Pas même la vallée des Incas ne pourra sauver mon âme

Prenez mon cœur
et semez-le près des pierres

Et seulement alors la vie sera un fleuve sacré d’araignées.


 

Affliction

Je m’écrase les doigts
pour que s’abandonnent au passé les plaies bleues de mes maux

Moi qui suis morte
c’est mon corps ce fantôme qui s’enfonce dans les fleuves qui détrempent ma mémoire.


 

Éponges

L’eau dans sa patience
va et vient en creusant mon squelette

Ma voix
c’est tout ce que j’ai
pour lutter contre ces éponges infirmes et mon dos de liège.


 

Train

En traversant la gare de la douleur j’oublie le coup que Dieu
a porté à mon univers.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Ammoniaque

Un chat urine sur mon âme
Lui sait pourquoi cette triste époque ne s’éloigne pas
Les regrets ont l’odeur du chat
Cette odeur d’ammoniaque
et d’être mal-aimé
C’est cet animal que je suis
Qui vit en se plaignant
y compris du chat.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Effroi

Il me reste à ouvrir
une porte
d’infinies terreurs rongent mon ombre

Je rage de savoir
que ma propre peur c’est moi habitée par ce corps.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Offrande

Seigneur !
je t’offre mes pupilles
je veux y voir ma destinée.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Évocation

Le soir s’assoupit
je regarde ma maison emplie de photographies

Les objets
se fânent
comme l’amour que j’avais pour toi ou la couleur de ces photos.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Temps

Pour supporter
le grincement de la douleur
je te regarde incendier mon âme
car l’amour est fort comme la mort
rien pour la défier
ni même mon tout puissant et sublime amour.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Rites

Les fortes températures
ne consument pas nos misères ni n’embrasent nos sentiments

L’amour
est une immense flamme malade.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Au fond bien au fond

Je me livre au sacrifice
et surgissent ces questions
sur ce que nous avons cessé de faire

Le tapis vert qui devient herbe
en marchant dessus et s’étend tel une tâche d’insectes sur mes mains encore dans la salle de télévision

Un pressentiment pur
émane de moi
Mon sacrifice ne m’apporte aucune réponse.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Eau

Quand je revins
mes amants
levèrent mon corps sain
pour le porter au ruisseau du bonheur

Nous nous baignâmes dans les eaux affolées montées en orgie
dans leurs bouches de vodka

De l’eau de pétales de toutes les couleurs couvrent mon sein réincarné.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

LIVRE 2

Je suis mon corps

Voici mon corps d’hier
Survivant à ce jour.

Ángel González


 

Citron parfumé

Je suis mon corps prisonnier des particules des autres corps

Ce corps
que je savonne dans l’océan lui reconnaissant saletés
et peurs

Ces peurs qui sont miennes Rincées avec
de l’eau qui peut tout guérir le sel de ma sueur

la jalousie bien rangée les jus suaves
et l’eau de nouveau qui me concède

un corps nouveau jour après jour

Un corps frais
étendu sur le lit
comme un citron au bord de la fenêtre

Et le soleil brûlant et le verre
et le bois
et le citron parfumé et nu

de la fenêtre que je suis

Sais-je qui je suis ?
je me regarde
à travers le grand miroir de la salle de bains
j’ai 33 ans
je n’ai jamais été si terriblement seule
abandon de chiennes
qui te marque et te rend insensible à la curiosité

Je pleure et mes blanches jambes se teintent d’une profonde noirceur qui bloque tout sens

Celui qui est mon corps peut affronter ses propres malheurs

même les plus asphyxiantes heures
l’anxiété
le manque de toi
les heures où en ton absence le monstre et moi ne faisons qu’un que je connais bien

Ce corps si mien
poudre de ciel
intense explosion
de luminaires qui filtrent ta clarté sur ma poitrine

Je suis ce corps qui est mien.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Histoire

La rouge forme de ton dos condamnée à
se joindre à moi

Et cette douceur liquide
qui l’efface
qui brûle et qui défait ce côté-là de l’écran.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Condamnation

Au palais du ciel
le torse nu
de tes mots
sauve mon âme égarée des couteaux de cet amour

La silhouette de ton esprit cette manière si tienne d’aimer ce corps pour deux.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Sacrifices

Je t’y aussi reconnu
dans le monde de l’au-delà aux étranges ombres

La nuit qui voulait de la vie s’en est allée
à tes côtés

C’est ainsi
avec toi par delà ce que je suis je te laisserai partir
à travers ces yeux
les mêmes depuis toujours

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Ce que je suis

En dépliant mon visage je retrouve la femme sur deux plans

La zone des ombres
habitée par les chauves-souris
et celle des angoisses
occupée par l’impossibilité de vivre

Les jours me découvrent je fuis la souffrance.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Cicatrice

Comment réussirai-je à vivre avec mes morts accrochés au tissu de la folie ?

Quelque vent sans doute soufflera mon soulagement.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Rose des vents

Vers le petit matin
une brise effleure mes songes et je découvre
coquillages et escargots noirs peuplant mes draps

je relève l’oreiller
et des mollusques s’y trainent déposant une substance
qui me tâche les doigts

C’est alors que le bruit lointain de la mer
envahit ma demeure et commence un jour nouveau.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Chandelles

L’été
blanchit le ciel
à 2850 mètres
en pleine montagne j’allume une chandelle pour ta fête d’anniversaire

Vivre du mieux qu’une lionne le peut c’est de cela dont s’agit la vie
et aussi la grande ligne de tes yeux.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Sens

Le chat
poursuit la corde enjambée par la fille

Amoureusement nous sommes l’île qui pend au fil
de notre fille.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

En volant

Les pierres
que tu as lancées telles des mots sur mon squelette
rigide et effrayé
sont tombées sur le fossile
sans ailes qui tremble encore face aux mots devenus pierres.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

C’est le diable

Le diable m’a dit lave ton corps en silence
je viens à toi

à travers tes veines lumineuses par tous les sangs
tranchant
je viens te chercher.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Réincarnation

Ma langue
est une plume véloce qui chatouille ton nez sur le dessin
de nos vies

Je suis le serpent
qui veille à toi quand tu dors.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Ton oubli

Deux au lit
des vagues de sueur et des jambes qui forment des cercles

Désormais deux
poissons séchés

Heureuse nuit
captive d’une mer lointaine

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Odorat

Le brouillard
tient ma taille
de temps à autre
le regard de Satan
se pose sur ma nuque

Le brouillard dans mes fosses nasales qui me déchire tout entière.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Cœur indépendant

Il y a du lierre obscur dans la piscine brillante de tes yeux verts

Mais moi j’enfile
mon bikini
et je nage
avec mon cœur indépendant
me libérant de la poudre d’amour.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Haute fidélité

Ta salive
chaude en ce jours d’hiver

Fil blanchâtre
qui rince mes doigts

Langue fidèle et âpre de la nuit

Ensemble pendant sept vies
de célèbres chats
qui virevoltent dans une compacte boule de poils énamourée.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Centrifuge

Oh Seigneur !
accorde-moi
le don de me taire à temps
et ainsi rejoindre
mes plus grands fracas
dans le silence le plus absolu.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Piège
Je déborde à l’intérieur
De ma peau à l’infini de moi
Je m’enfouis dans le creux le plus profond

Moi-même qui me blottis en mon sein dans les canaux du cœur grossier
un piège
où un vent rougi

souffle très fort en direction la condamnation.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Agenouillée que je suis

Je joins mes mains
vers Frère Grégoire
il est mon intermédiaire

Centripète emplie de moi reins
urètre

vessie
je m’abandonne entière à la plus grande des foi.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Hypnose

La lumière blanche
douleur
qui explosa en moi
plus jamais je ne serai la même après avoir été sur la croix

Je suis la respiration qui m’envahit la chair de la nuit
le territoire du jour

Et tous les matins je m’éveille pour sentir
la fleur des sourires.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Cercle

Je suis prise au piège de ta force mensongère

Ennemi
de ces
jours féroces

Le vent rougi
dans le jardin des envieux

Ce secret
de combien l’on s’aime l’on se hait et l’on se nécessite.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Paysage

Mon corps
amphore de l’âme
qui reçoit les disgrâces et la douleur humaine vue à la télévision

Un corps expérimenté
qui se met à parcourir les rues de la ville

Adossé aux montagnes le paysage blessé
est retransmis
hors champ.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Tatouages

On aime avec nos cicatrices ou avec le froid

Des plans d’amour contenu se battent dans l’espace

Des cris de peau
des dessins coloriés
dans ce champ de bataille ton esprit
et à partir de là
une pierre de cœur taillé

Un noble tatouage qui imite la mer

Depuis lors
les décolletés me troublent ceux qui laissent entrevoir le spectacle de la peau déchirée par la douleur.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Rock national

Mon corps
s’en tient
au mystère de la foi

Ton corps
résonne aux accords
de ma taille qui t’assaille

Mon corps clair
se réfugie dans les montagnes du jamais plus jamais
plus sans toi

Mon corps
ce bûcher qui ne s’allume
que si tu me caresses depuis le nez

Ton corps
cette muraille qui me défend du mauvais air ambiant

Mon corps
cette prière ayant pour origine ta conviction

Ce corps qui va et qui vient corps et jamais
plus
avec lui je m’enfonce

avec lui je suis sauvée

Mon corps
transperce le sang
qui mène à la mer des apparitions à la mer des corps
où je ne puis distinguer que le tien

Mon corps
sa fatigue et son vomissement

Un corps malade en convalescence
tel le bord fissuré d’un verre
tranchant mais contient encore une eau pure

Ton corps
l’orée des mystères

une intuition ressuscitée
qui m’entraîne vers des goélands voyageurs au-dessus de la route au bois nuageux

Ce corps à toi-à moi
corps ce corps aux ailes
qui traverse tout pour arriver au néant.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Empreintes de lumières

C’est à travers le troisième œil
que les images intérieures prennent vie
Les lumières
représentent des rêves
Les plus fugaces d’entre eux me brûlent
et me font mal comme mon enfance
Le troisième œil de Evgen Bavcar
prend au piège tant de lumière
qu’il ne semble pas être le seul
un photographe aveugle :
un éclair et ce qu’il en reste
une bicyclette noire un guidon rouge
Des oiseaux étincelants qui se brisent contre les branches de mes cheveux
Bavcar étranger aux concepts
me regarde à travers la nuque.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Jazz

La voix de Sara Vaughan si fragile si féroce
me crève le cœur
et me laisse

sans équilibre naturel

Quand sa musique sonne
je sens que tu m’embrasses dans l’immensité fugace

Mon corps soupire

Nul ne saura
qu’en cet instant
je ne suis plus là
car seule Vaughan
explose sur une destinée qui ne fut point la digue jamais ne cèdera.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Je le jure

De la même façon qu’un oiseau piège l’odeur du monde
avec la même intensité
le monde est hors de lui

C’est de la même façon que ces poèmes ont une odeur de monde
sans y perdre aucun de mes sens.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Structure d’une route

À pleine vitesse
le sang parcourt
les routes de mon corps

Un claquement sec
des ponts en sel
qui unissent mes yeux
et ne laissent pas entrer la lumière

Une rose réincarnée
la turbulence de l’amour

La vitesse me brûle
le feu qui me fait saigner du nez des angles qui
défaillent

Aveugles mes bras et mes jambes

Égarée
et ensanglantée je m’en vais par les routes énamourées de mon corps

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Dans les bras d’une âme

Je voudrais oublier
mais il y a trop de tequila sur le bord de mes lèvres

J’ai en plus
une sensation
d’engourdissement
et les êtres étrangers
à ce corps de la nuit
que je retiens encore dans mes yeux

Et même si tout a été très vite j’aurais juré que j’étais
dans les bras d’une âme.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

À Quito je dois me faire

Maintenant que je veux changer de ville
et ne plus jamais revoir ces montagnes
ni la violence du vent des hauteurs
Maintenant que ni même ses splendides églises ni le bleu du ciel

ni la lumière limpide qui entoure les nuages ne me plaisent plus
Pas même les rues de pierre
ou la vierge protectrice

ni les proches vallées
où le Machángara à la menthe
Rien ne m’émeut plus désormais ni me retient dans cette ville
C’est maintenant justement que je comprends que je suis condamnée à vivre a Quito
En y éprouvant le manque d’oxygène
Et les regards inquisiteurs qui y ont survécu C’est ce à quoi
je dois me faire
et je vis graciée par cette condamnation
que j’ai toujours poursuivie
que je ne me résous pas à oublier ni à accepter
Sans doute si la mer était du côté du Parc Métropolitain
tout serait plus simple pour moi
Des montagnes gigantesques
Qui encerclent mon cœur
Et les nuages qui grandissent tels des monstres blancs
par-dessus ma petite tête
Maintenant que je ressens le besoin de changer de ville
je vois bien que personne ne décide où il vit
C’est Quito qui m’a choisie
Je le sais.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Fenêtre

Tout dans ton esprit
fait corps me dit Robert Creeley

La peau un champ de bataille
les yeux une forêt immense
et en partant du sentiment une pincée à mon cœur d’enfant

Le serpent maladif déchire mes tissus

Mes côtes se plient pour y écrire les plaintes et les filles bienaimées

Le bonheur porté à son comble l’espace d’un instant prend la forme d’un homme aux mains tièdes
dans lesquelles reposent tes seins tels des oiseaux blancs

Une rivière mystique
si large magnétique et trouble qu’elle se fait ciel en quête de salvation
mais revient à ton corps ton esprit
pour y édifier ta vieillesse.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Partition

Autour de mon cœur
des passions pour violon s’immiscent dans la colère

La musique pénètre l’air
La fumée et une idée qui bouillonne :
la vieillesse silencieuse arrive j’en suis sûre mais elle ne foule pas les sentiers de mon cœur

Ma vie
la grâce des voix
la fumée du violon
Je le sais je n’ai vécu qu’un murmure

Autour de mon cœur
des bouts de mots qui ne fléchissent pas.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012


 

Qui suis-je ?

Qui suis-je ?
Sans doute la femme aux seins ambrés sans doute aux pieds de glace qui écrit des vers
pour se réconforter
Mais la poésie
me fait dérailler
Comme ce train rouge que je suis
Ce train qui trace son chemin
à travers les montagnes pointues
et ardues de quelque pays
Ce train qui jamais n’atteint
aucune gare enfumée
Cette femme dont émanent de petits cris
des trains et des trains
qui m’attendent
des vers pour survivre
Qui suis-je ?
Sans doute ce corps enflammé
qui conserve encore ta trace dans le pli des draps.

©9h05, Inc. – Traduction de poèmes (Benjamin Laguierce) – 2012

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