Rencontre avec Benjamin Aguilar-Laguierce, traducteur en espagnol et anglais
Texte issu du journal du Lycée Magendie de Bordeaux
Du 7 décembre 2022 au 18 janvier 2023, nous avons assisté avec notre groupe de terminale LVC espagnol à quatre ateliers de traduction, dirigé par Benjamin Aguilar-Laguierce, traducteur en langue espagnole et anglaise, et organisé par notre professeure d’espagnol, Mme Planes.
Première séance : présentation
Tout d’abord, M. Aguilar-Laguierce nous présente son métier : il est traducteur d’écrit littéraire et de droit, en français et en espagnol (qui sont ses deux langues maternelles).
Il nous explique que la traduction est essentielle pour pouvoir communiquer. Le traducteur nous énonce aussi les paramètres qui peuvent influencer la traduction d’un texte (l’époque, la culture..). C’est ainsi que nous découvrons les culturèmes, des mots qui changent de sens selon la culture. Par exemple, « color tomate » ne veut pas dire « rouge » en Equateur mais orange !
Nous passons ensuite à une question récurrente : le salaire. Le talent et la maîtrise des langues ne suffisent pas, il faut se faire connaître. La traduction littéraire est payée au feuillet de 1500 signes espaces compris. La traduction juridique, elle, est payée 15 centimes le mot (plus spécialisée, 20-30 centimes par mot).
Le traducteur nous propose ensuite un texte : Fiebre de Carnaval, de Juliana Ortiz Ruano. Il nous présente la difficulté de traduire les notions de familles très différentes selon les cultures et les signes d’affection que l’on retrouve dans les surnoms. Par exemple «ñaño », au sens propre « hermano » (frère en espagnol), designe un groupe plus vaste en Équateur (contenant l’oncle, la tante, le cousin, le frère et la soeur).
Deuxième séance : Observation et pratique
Le 14 décembre 2022, nous nous retrouvons à nouveau pour continuer à étudier la traduction du roman Fiebre de Carnaval puis nous écoutons la chanson Fruit de la passion, de Francky Vincent. Les paroles écrites de manière phonétique apparaissent dans le livre. Lors de la traduction, ces paroles sont gardées de façon similaire.
Ensuite, nous entamons une traduction plus difficile, à l’aide de dictionnaires bilingues. Nous étudions alors un extrait du roman Malaga, pas sans mon nom. Nous trouvons d’abord un champ lexical lié à la mort. Ensuite, nous repérons les mots que nous connaissons même si cela est compliqué car le sens peut changer selon les différentes cultures et les dictionnaires utilisés.
Enfin, nous nous confrontons à un autre type de texte : la poésie. Nous concluons sur le poème « Al principio era el verbo », de Jorgenrique Adoum dans lequel nous remarquons une utilisation excessive de verbes pronominaux. Ici, des verbes ont été inventés par l’auteur comme le verbe «te numéro ».
Troisième séance: La traduction reste fidèle aux spécificités de la structure des textes
La traduction littéraire fait face à de multiples problèmes. Pendant cette séance, nous travaillons Malaga sans mon nom de Santiago Vizcaíno qui est un texte écrit en espagnol d’Équateur.
Cet ouvrage est très percutant, sans majuscule (ni au début des phrases ni aux noms propres), sans virgule, sans alinéa et contient de nombreuses vulgarités.
D’après M. Aguilar-Laguierce, lors de la traduction de ce genre d’ouvrage, il est important de garder sa spécificité frappante (qui est due ‘ à l’origine culturelle de l’auteur) que reflète le texte tout en y restant fidèle.
Autre exemple pour lequel il faut garder la structure particulière d’un texte : la poésie de Shakespeare traduite par André Markovitch. Cette traduction est écrite en pentamètre iambique différents des alexandrins mais qui reproduisent une spécificité du domaine de la poésie.
Quatrième séance : La catégorie du lecteur influence la traduction
Au cours de notre dernière séance nous avons travaillé sur l’incipit de Y si viene la guerra de Liset Lantigua, un livre de jeunesse dédié aux 8-10 ans.
La traduction de la littérature jeunesse requiert un vocabulaire particulier auquel on fait particulièrement attention. Il faut en effet se mettre à la place d’un enfant. Il faut savoir garder un équilibre entre un vocabulaire qui ne soit pas infantilisant ni trop relevé.
Dans ce texte on trouve le culturème de la commode. En France, c’est un meuble assez bas avec des tiroirs profonds. Dans cet ouvrage, la commode est synonyme de coiffeuse, un meuble assez haut sur lequel est posé un miroir et une chaise devant.
Pour terminer ses ateliers, M. Aguilar- Laguierce nous a présenté un logiciel de traduction professionnel, Wordfast Pro. Il gère une base de données et il a la
possibilité de suggérer les phrases utilisées par le passé (ce qui représente un enorme gain de temps). C’est un outil numérique qui devient plus performant au fur et à mesure qu’on l’utilise.
Ce fut une expérience enrichissante qui nous a permis d’en apprendre plus sur un métier mais aussi sur les richesses et nuances d’une langue, en fonction d’une culture donnée.