La charrette
Christy Brown
Traduit de l’anglais (irlandais) par Benjamin AGUILAR LAGUIERCE
Ils marchaient tranquillement vers chez eux, raillant les filles et tirant sur les poires et les pommes qui dépassaient des murs des jardins des maisons huppées le long du chemin. Jem se plaignait des coups de ceinture qu’ils se prendraient lorsqu’ils arriveraient à la maison pour être rentrés tard, et décida de pousser lui-même la charrette, mais les autres l’empêchaient d’aller vite et lui barraient la route en lui faisant des grimaces. Jem, dont le rond visage de pleine lune était rouge et transpirait autant à cause de l’effort qu’en raison de la colère, se démena d’un air grave. Tony se moqua encore de lui, le traitant de lâche : il n’avait qu’en tête d’aller flirter avec une petite jeune fille à la peau bronzée qui s’appelait Nancy, dont les seins commençaient à pointer par-dessous sa blouse. Jem soufflait, haletait et maudissait toutes les fichues femmes avant de charger furieusement le groupe avec sa charrette. Tout le monde se dispersa en riant et en faisant des pieds de nez à Jem, l’affublant d’affreux sobriquets. Jem peinait à monter et chancelait tant le chemin menant à sa maison était surtout en montée. Tony assuma alors le rôle de cheval, délaissant la nubile Nancy à contrecœur tout en lui promettant de la revoir plus tard dans la ruelle qui passait derrière la boulangerie.
Il y avait de l’électricité dans l’air quand ils arrivèrent à la maison.